Avant d’évoquer deux exemples forts, petit rappel des principes élémentaires de la gestion d’une communication en crise sur les réseaux sociaux et sur le Net en général :
- Mesurer le taux d’impact, l’audience, faire une veille pointue des relais et des documents publiés dans les posts… Et prêter l’œil et l’oreille aux relais sur les Médias mainstream comme ça sera le cas pour les exemples du Slip Français et de Dolce & Gabbana.
- Mesurer TOUT DE SUITE la source et le degré de l’erreur commise par la marque.
- Ne JAMAIS répondre à chaud par une action de communication en opposition à l’attaque (On nous accuse de sexisme ? Je poste dans la foulée une récente campagne, ou un article de presse, qui « prouve » que ma marque s’engage contre le sexisme : c’est l’assurance d’amplifier le vent de la révolte). On vous accuse de racisme ? Ne publiez pas en réponse une illustration qui prouve le contraire. C’est ABSOLUMENT contre-productif !
- On reconnaît l’erreur, on l’admet. On affiche de l’empathie. On mesure s’il est nécessaire de s’excuser.
Retour en arrière, d’abord avec le Slip Français.
Et commençons par regarder ce reportage réalisé par Quotidien, sur TMC, moins de dix jours après l’explosion de l’affaire sur les réseaux sociaux :
La vidéo (privée) de la black face avait été dévoilée le 1er janvier par deux comptes Instagram @Maisnoncestpasraciste ainsi que @decolonisonsnous.
Ces deux associations anti-racistes vont même jusqu’à publier public les comptes Instagram et les profils LinkedIn des deux salariés. En une journée, ces répliques sur les réseaux sociaux font basculer le Slip français dans l’engrenage de sa première grande crise majeure.
Le 2 janvier, ces publications sont ainsi partagées plus de 930.000 fois notamment sur Twitter. Après l’indignation de la black face, c’est l’appel au boycott dès le 3 janvier : selon Visibrain, une plateforme de veille des réseaux sociaux spécialisée dans la protection de réputation des marques, plus de 86.146 tweets sont publiés dans la journée du 2 janvier par 41.730 internautes accompagnés du hashtag “#BoycottSlipFrancais”.
En temps « normal », le Slip français génère environ 700 publications par jour sur les réseaux sociaux.
Moins de 48 heures après le début de l’affaire, l’entreprise réagit via un premier communiqué diffusé sur les réseaux sociaux précisant que « Si l’entreprise n’est pas légalement responsable des agissements de ses salariés en dehors du contexte professionnel, nous considérons que nous avons cependant une responsabilité morale face à ses comportements racistes et discriminatoires qui sont aux antipodes de nos valeurs. C’est pourquoi nous avons décidé de sanctionner fermement les deux salariés. ». Le créateur du Slip Français Guillaume Gibault clarifie ensuite la situation à l’AFP en précisant qu’ils ont été « convoqués et mis à pied à titre conservatoire ».
Le même jour, un nouveau tweet épingle Guillaume Gibault. Accusé de racisme, le Slip français se retrouve critiqué pour homophobie. La cause ? Un reportage de 2014 exhumée par une Twittos : https://t.co/ZMmIsjhvTX
(https://twitter.com/ParisPasRose/status/1213515595595034630?s=03)
On y revoit un extrait d’un reportage du JT de France 2 où, sous l’œil de la caméra, Guillaume Gibault prononce cette phrase : « les autres (en parlant des entreprises citées par Les Echos), ce ne sont pas des petits pédés ! ».
A nouveau pris dans l’œil du cyclone, le Slip français subit de nouvelles attaques, toujours aussi virulentes sur les réseaux sociaux. L’affaire est très relayée et analysée par les médias traditionnels (presse écrite, radios, télévisions).
Il aura fallu près de quinze jours au Slip français pour éteindre l’incendie. Comment ? Par très peu de communication sur les réseaux sociaux, mais par une présence médiatique travaillée dans l’urgence, mais très bien travaillée en termes de contenus.
S’il y a en effet un élément clé à retenir, en dehors de la virulence des attaques sur les réseaux sociaux, c’est le contenu du « discours » de Guillaume Gibault devant les caméras de Quotidien.
En cas de crise majeure, la priorité, ce ne sont pas les clients, ce ne sont pas le fournisseur, les distributeurs, ce sont ceux qui font la marque, portent ses valeurs : les salariés. Face caméra, Gibault « joue » ou « surjoue », qu’importe, la carte de la protection de ses salariés avant tout. L’émotion et l’empathie sont deux belles clés de sortie de crise…
Je vous conseille aussi de lire cet article du Figaro intitulé « Les marques doivent résister au chantage des réseaux sociaux »:
Place maintenant, à une crise encore plus forte, plus impactante survenue en novembre 2018 : celle de Dolce & Gabbana. Commençons là aussi par un reportage (jusqu’à 2’40) :