B. Exemples de crashs sur les réseaux sociaux

On retient donc les deux principes élémentaires évoqués dans notre conclusion qui concluait le premier chapitre auxquels on ajoutera aussi celle-ci, indispensable : la notion d’intimité est en voie de disparation.

1) Chaque action porte en elle une part de remède et une autre de poison. Ça se vérifie toujours.

2) La notion du droit à l’oubli sur le Net et les réseaux sociaux ? Elle n’existe plus. Premier exemple tout gentil ici avec un fil de la SNCF décliné en plusieurs années.

Vous avez bien retenu ce joli premier Tweet de 2015…La suite, c’est là, tout de suite et c’est en 2017. La SNCF est toujours aussi bisous et c’est tout choux. Mais attention…ça va très vite dérailler…

 

Et voilà comment en 2019, après des envolées de tendresse sur les quais, en 2015 puis 2017, on met un coup d’arrêt brutal à une jolie campagne… Vous vous souvenez, sur le Net, sur les réseaux sociaux, rien ne se perd jamais. Quatre ans séparent le premier Tweet de celui-ci. Et…

 

Au final, ça donne ce post…Imparable puisqu’il se contente, sans agressivité, d’opposer les différentes campagnes de communication de la SNCF. Comment peut-on réagir et répondre à cette « petite » crise sur Twitter ? C’est un exercice facile… La réponse dans cette vidéo à suivre.

 

Bon, très sincèrement, ce tweet n’est ni agressif, ni insultant, il a surtout le mérite de mettre en évidence les incohérences de la SNCF sur quatre ans. Malgré tout, en terme d’image, ça fait un peu mal au message de ce moyen de transport qui rapproche les femmes, les hommes, les enfants, toutes les générations.

Maintenant, réfléchissez. Vous êtes community manager de la SNCF et vous avez à gérer ce post et les très nombreuses réactions qu’il a suscitées. Autant vous prévenir, celle-là, personne à la SNCF ne l’avait vue venir ! Rien n’a été, vous savez, AN-TI-CI-PE !

Vous avez alors deux options. Ou vous laissez filer, ou vous répondez ! Merci pour les pistes de réflexions me direz-vous avec une moue, mais, il n’y en pas d’autres.

Alors, première chose essentielle. Et ça, c’est valable pour toute « crise » à gérer sur les réseaux sociaux. Quel impact de ces posts et quelles audiences ? Ah l’audience, ce n’est que pour la télévision ? 800 commentaires, 3500 RT…Franchement, est-ce la fin du monde ? Comparé à votre audience sur Twitter ou Facebook, c’est une goutte d’eau. Alors, c’est décidé, je fais l’autruche. Sûr(e) ? Vraiment ?

Stop ! On se pose, on prend le temps de la réflexion et on se pose ces questions essentielles : les valeurs de la SNCF, c’est quoi ? Mon image, c’est laquelle ? Mes clients, je les rêve comment ? En phase avec mes valeurs ?

Oui, forcément oui. Et puis, on va se poser cette autre question essentielle : « si la SNCF a pris cette décision de fermer l’accès aux quais, c’est qu’il y a forcément une raison, ou plusieurs ? » Lesquelles ? La sécurité, déjà. Le contrôle des accès. La digitalisation des billets et les portiques d’accès aux trains. Alors oui, ça douche un peu le côté romantique des adieux, mais chacune de ces raisons est essentielle pour la SECURITE des voyageurs. Et puis, aussi, la SNCF a mis des services en place pour aider les personnes à mobilité réduite, les parents avec des jeunes enfants…

Alors autant le dire, expliquer. Répondre que oui, la SNCF comprend ces remarques, qu’elle en est la première peinée. Mais que le contexte sécuritaire (attentats…) est impératif pour la sécurité de tous ces amoureux…Et que la SNCF a tellement envie qu’ils s’embrassent à nouveau qu’elle a mis le « paquet » sur leur sécurité et leur bien-être.

Quand on est pris la main dans le pot de confiture, il y a un essentiel à respecter : reconnaître les faits. Toujours. S’excuser ? Tout dépend de l’erreur. Mais reconnaître et expliquer pourquoi et comment on va y remédier, oui, deux fois oui. Exemples à suivre avec le très pertinent et inspirant compte « Pépite Sexiste » sur Twitter

Le bon exemple ? Monoprix vs Pépite Sexiste

Un exemple de bonne réaction, réfléchie sur Twitter, après s’être posé exactement les mêmes questions que pour la SNCF. Epinglé par le compte de Pépite Sexiste, Monoprix a très bien réagi et très vite en plus.

 

 

Réponse simple, claire et efficace de Monoprix suivie des remerciements de Pépite Sexiste. Le sujet est très sensible et là, même s’il y a une faible « audience », la réaction est indispensable.

Mais il y a des crises bien plus embarrassantes

Quels sont les secteurs les plus exposés au phénomène de crise sur le digital ? Sur le podium figurent la santé (médecine, industrie pharmaceutique), l’alimentation (agro-alimentaire, agriculture, pêche) et l’éducation, trois des piliers de nos principales préoccupations. Mais s’il y en a qui est très, mais alors très souvent secoué par des crises majeures, et nous le verrons tout à l’heure avec Le Slip français et Dolce & Gabbana, c’est bien le secteur du luxe (mode, parfumerie…). Pourquoi ? Parce qu’il s’expose et repose sur des fondamentaux de notre société actuelle : le sexisme, la notion de genres, la religion, les différences culturelles. De nombreuses marques, et pas des moindres, se font souvent épingler pour sexisme, racisme, homophobie. Encore une fois pourquoi ? Parce que les essentiels de la prévention de crise (vous savez, l’équation évoquée plus haut) ne sont ps respectés. Quelques mauvais exemples ?

C’est malheureusement facile : ils pullulent.

  • Si une cartographie des risques avait été établie, si une veille banale avait été effectuée et si le bon sens avait pris en considération les notions évoquées un peu plus haut (racisme, histoire, culture…), jamais ces crises n’auraient vu le jour. Mais avec des si…Résultat : pour le Coolest Monkey in the jungle de H&M, près de 2,5 millions de tweets et le retrait immédiat de cette publication désastreuse et du produit pour finir. Logique. Là, la notion d’audience passe à la trappe, même si 2,5 millions de tweets, ça fait très mal à l’image de la marque et à sa réputation.
  • Mais avant d’attaquer les exemples plus « lourds », arrêtons-nous un moment sur ce qui vous anime au quotidien et qui a un rôle souvent clé dans la gestion des crises sur les réseaux sociaux : l’audience.
La force de « frappe » des réseaux sociaux : l’exemple tout « bête » de Zara
  • Les erreurs de com’ et de marketing illustrées de ces derniers exemples démontrent une évidence : la force de frappe des réseaux sociaux. A suivre, l’exemple d’un post sur Facebook. Celui d’une cliente mécontente de l’accueil qui lui a été réservé chez Zara, rue de Rennes, à Paris. S’en suivra une petite étude « linguistique » de contenu…Et une autre sur le poids de l’audience en situation de crise. Sans oublier, aussi et surtout, le choix des contenus de réponses de la marque…Sans notion de prévention, c’est toujours plus compliqué. Allez, sur ces trois points, démonstration à suivre à partir d’un post sur Facebook d’une banalité quotidienne.
  • A lire dans son intégralité ici :

Bonjour Zara,

J’apprécie beaucoup vos collections et la satisfaction d’avoir l’une de vos pièces dans ma garde-robe passe au-dessus d’une expérience en point de vente déplorable.

En effet, j’accepte d’acheter des articles tâchés par du fond de teint, piétinés au sol, abîmés.

J’accepte que vos “conseillers” me parlent comme si je venais de les agresser, mais je n’aurais peut-être pas dû interrompre leur conversation des plus importantes sur leur folle soirée de la veille. Et j’oserais en plus quémander un sourire ?

J’accepte de quitter la cabine pour changer moi-même une taille me dévouant à : Option 1 : risquer la sécurité de mes effets personnels. Option 2 : me rhabiller complètement, mettre mon manteau, remettre mes chaussures, prendre mon sac à main, mon sac de course (ah ces filles qui sont toujours chargées !). Rayez la mention inutile. Ceci bien entendu suite au refus catégorique de votre employé de satisfaire ma demande, sous prétexte – je présume – que de se déplacer à plus de 1 mètre des cabines d’essayage est passible d’un licenciement pour faute grave.

J’accepte une nouvelle fois de faire le travail de vos “conseillers” en remettant l’article sur son cintre sous prétexte que … hum, je ne trouve pas de prétexte là, il devait avoir encore des courbatures de sa folle soirée.

J’accepte de prendre sur moi et de rester courtoise malgré les affronts de vos “conseillers”.

Enfin, j’accepte une hausse de prix qui n’est pas en corrélation avec une hausse de la qualité et du service.

Je vous l’accorde, personne ne m’a forcé à franchir le pas d’une de vos boutiques. Mais en me refusant aujourd’hui de me reprendre un article sous prétexte qu’il était froissé (évidement, il était dans son sac !), vous venez définitivement de me perdre. Mais peut-être que j’aurais dû le repasser et vous le ramener sur un cintre dans une housse de pressing ? Veuillez me pardonner, mon esprit est confus, j’ai cru un instant que je m’adressais à une enseigne qui prône la satisfaction client.

Je remercie vos collègues du 140 rue de Rennes à Paris qui m’ont inspiré ce post.

 

  • Ce simple post va atteindre 42 194 likes et entraîner deux réponses de la marque.
  • On remarque que la plaignante énumère tout un tas de sujets pouvant porter préjudice à Zara. Il est donc facile en tant que client de s’identifier à une de ces situations… Dans les commentaires, nous avons extrait les mots les plus utilisés. Ils démontrent à quel point, une simple « erreur » de comportement peut entacher l’image et la réputation d’une enseigne.
  • Les mots les plus utilisés : vendeur (320), client  (308), Zara  (189), magasin (116), vêtement  (105), article (94), enseigne (89), cabine (87), travailler (70), vente  (55), et service (55) montrent bien que nous sommes face des discours parlant du lieu de vente et du service (55 fois utilisés) qui y est donné. Une large partie des discours parlent d’ailleurs au passé !

L’affaire Zara, du côté des commentaires et réactions, ça donne ça

Analyses des intervenants (fautes comprises…)

Il est intéressant de faire une revue de la typologie des personnes qui discutent sur ces posts et qui donnent du « volume de buzz ».

1) Les opportunistes :

Chris Krizbé Braz : (294 likes pour ce message) : « Oooh, les pauvres petits « choux » que sont les « vendeurs » ET les « clients », trop dure la vie, que dire de la vie de « CEUX » qui fabriquent ces vêtements, conditions de travail et salaires de misère, Pakistan, Chine ou ailleurs… »

2) Les trolls : ouvrent une nouvelle brèche sur une nouvelle thématique

Sarah Boddy (155 likes pour ce commentaire): « Sympa Flore… maintenant les « conseillers » dont tu parles vont pouvoir se faire licencier pour faute grave. Le magasin qui les emploie, leur donne des consignes strictes sur les retours qui peuvent Être acceptés et est probablement à l’origine de ce climat désagréable, lui perd les 20 euros par an que tu y dépenses… Quelle justicière tu fais ! »

3) Ceux qui acquiescent :

Gladys Brvs (993 likes pour ce message) : « Enfin quelqu’un qui ose dire ce que tout le monde pensent tout bas ! »

4) Les experts :

Audrey Smith Petrot (630 likes pour ce message)

« Je travaille dans la vente, et je suis totalement d’accord avec ce qu’elle a écrit. Maintenant, dans la plupart des magasins les équipes en ont plus rien à faire des clients, mais c’est plus un problème de management que des conseillers en eux-mêmes qui ne sont certainement pas motivés par leur salaire dérisoire (…) Le client ne doit PAS subir les problèmes internes à la société. Et refuser de reprendre un article Parce qu’il est froissé ; surtout chez Zara, c’est un peu l’hôpital qui se fout de la charité … »

Pour qu’un commentaire sur Facebook prenne de l’ampleur il faut un de ses éléments :

Un community manager mal habile (suppression de commentaire, mauvaise réponse, etc.).

Un storytelling mal appuyé.

Une marque connue et son AUDIENCE : 42 000 j’aime pour une page de 22 M de personnes ! Pour la plupart des marques, les likes représentaient 3 %. Le fait est que cela représente une tempête dans un verre d’eau, car les réseaux sociaux rendent grands ce qui est petit. D’où la nécessité de ne pas se laisser submerger par l’audience affichée sur les posts.

Avoir 3 % de ses fans qui réagissent à un commentaire de client, cela arrive pour toutes les marques. Mais toutes les marques ne sont pas égales.

Brasser le plus large possible : dans chaque bad buzz qui fonctionne via Facebook, ce n’est pas l’histoire du plaignant qui compte, c’est son potentiel d’auto-identification par rapport à celui-ci. Cela se prouve par l’utilisation du passé dans la plupart des commentaires.

L’audience se répartit le plus souvent en trois catégories, celles illustrées ci-dessus.

Alors, attention, la grande crise, sur les réseaux sociaux, elle existe…Mais celle traversée par Zara n’en est pas une… Si elle a généré autant de réactions, c’est parce que le community manager s’est emmêlé les pinceaux tout en se laissant impressionner par les différents publics classés ici en sept catégories :

 

  Type de public Définitions
  Les supporters Ceux qui acquiescent des deux mains. Ceux-ci rejoignent le bruit et y participent, trop contents de voir que cela prend de l’amplitude.
  Les opportunistes:  ils profitent de l’écho médiatique pour faire passer leur message et leur propre souci par rapport à la marque visée.
  Les « Firsts »  Ce sont ceux qui veulent prouver qu’ils avaient tout compris bien avant et que cet acte n’a rien de nouveau. Entre critique de la marque visée et quasi-qualification de la plaignante en « pigeonne », le sous-entendu est que la véritable faute incombe plus à cette dernière dans le sens où elle n’aurait jamais dû aller chez eux.
  Les experts Elles/ils connaissent le domaine et viennent distribuer leur analyse de la situation.
  Les offensifs ils/elles attaquent directement l’entreprises pour ses pratiques/process dans son ensemble.
  Les trolls le troll va amener une grille de lecture que personne n’avait pris jusqu’alors dans le seul but d’ajouter des commentaires. Ainsi, il va toujours prendre choisir le côté que personne ne prend de façon à créer une opposition.
  Les défenseurs  ils prendront le parti de la marque.

 

 


Pour le cas du community manager, on remarque clairement une évolution en 3 temps. Premièrement, le community manager répond selon les process de l’entreprise. Voyant la crise monter, il se décide à répondre à d’autres personnes et décide enfin d’en rajouter une couche sentant que la réponse processuelle doit être complétée.

Finalement, cela donne la métaphore de cette crise. Les process sont pointés du doigt par les publics, et le community manager se perd en explications imprécises. Chaque organisation devrait répondre de la même façon à ses clients, que cela soit devant 40 000 personnes ou devant une : on appelle ça une communication de solution unique. Qui doit être anticipée en fonction des cas de figure. Donc, encore une fois, réfléchie.