C. Aujourd’hui, qui influence qui ?

Les relations publics ont évoluées avec leur temps. Au début du siècle dernier et jusqu’au début du XXIᵉ siècle, les canaux de communication étaient majoritairement unidirectionnels. Les relations publics s’entretenaient par le biais des médias traditionnels comme la presse écrite, la radio ou la télévision. Mais avec l’avènement des réseaux sociaux, du web et des smartphones, chaque citoyen ou presque peut désormais prendre la parole et interagir avec les entreprises ou avec l’État. Les relations publics se sont donc complexifiées, passant de la simple diffusion d’informations à la création et à l’entretien de conversations entre les différentes parties prenantes. 

En 2022, quand on parle de relations publics, le numérique arrive naturellement en tête. Comment imaginer une stratégie de RP sans penser aux réseaux sociaux et au web ? D’ailleurs, est-il encore vraiment cohérent de parler de communication digitale à l’heure où tous les canaux de communication se mélangent ? 

D’après le Digital Report 2022 proposé par l’agence We Are Social et Hootsuite, Plus de 62,5 % de la population mondiale totale serait aujourd’hui active sur internet. Près de 58,4 % serait active sur les réseaux sociaux, soit une progression de plus de 10 % comparé à l’année 2021. 

Nous constatons également une croissance du nombre de devices possédés par utilisateur ainsi qu’une multiplication du style de devices possédés par utilisateur :

Cela oblige les organisations à s’adapter pour être partout où leurs publics pourraient se trouver en essayant d’adapter et de personnaliser au maximum l’expérience proposée. C’est désormais le consommateur qui a le pouvoir de décider où il va consommer l’information, quand il va la consommer et sur quel appareil. Ce phénomène de prise du pouvoir du consommateur est également connu sous l’expression ATAWAD pour : 

“Any time, anywhere, any device” 

Ce changement de paradigme profite également aux organisations qui peuvent générer de nouvelles discussions avec leurs publics plus facilement en utilisant intelligemment l’ensemble de ces canaux de communication. Les rendant par la même occasion bien moins dépendantes des médias. 

Alors la question : “qui influence qui ?” semble plus complexe que prévu. Est-ce que ce sont les entreprises qui influencent leurs publics avec une stratégie de RP bien rodée, ou est-ce que ce sont les consommateurs qui influencent les entreprises en dictant les tendances ? 

Une chose est certaine, pour continuer d’exister dans le paysage médiatique, les entreprises doivent plus que jamais rechercher la congruence, soit l’alignement entre l’acte et les paroles. Il est désormais presque impossible de tromper le public et les marques qui tentent de le faire s’attirent rapidement des vagues de commentaires négatifs sur les réseaux sociaux. 

Par exemple Total, dont le récent rebranding en TotalEnergies a suscité de multiples indignations auprès du public. En cause ? La campagne de communication institutionnelle diffusée en mai 2021 : 

Seulement, et comme le rappelle Clara Gonzales, juriste chez Greenpeace France : 

“Cette vaste opération de communication est un écran de fumée derrière lequel TotalEnergies tente de cacher la réalité : les énergies fossiles représentent encore 90% de son activité et 80% de ses investissements”

Une stratégie de communication qui ne semble donc pas cohérente avec la réalité des faits.

Le résultat de ce manque de congruence ? Les ONG Greenpeace, Notre Affaire et Les Amis de la Terre attaquent cette année TotalEnergies en justice pour publicité mensongère et greenwashing. 

Le web et les réseaux sociaux peuvent devenir votre meilleur allié comme votre pire ennemi. Aujourd’hui, il ne suffit plus de communiquer pour contrôler l’opinion publique, il faut également construire une relation de confiance avec son audience basée sur la congruence entre vos actes et vos paroles.

Après les connaissances théoriques et quelques exemples, il est temps de passer à la pratique ! Voici 7 tactiques concrètes pour développer avec aisance vos RP : 

Surfez sur les tendances de fond : Faites parler votre créativité en utilisant le buzz social provoqué par une tendance de fond comme levier pour vos communications d’entreprise. 

• Vous pouvez voir ici un bel exemple avec Kit-Kat, qui a su utiliser la période de pandémie et l’expansion du télétravail pour replacer son fameux slogan “Have a break” et rappeler que même en télétravail, il fallait prendre du temps pour soi.
  

Faites du newsjacking :

Le newsjacking, c’est l’art de répondre très rapidement à l’actualité chaude, souvent avec un contenu court : mêmes ; micro-blogging ; reels ; tik-tok ; etc.

Cette pratique est différente de celle évoquée précédemment dans le sens où elle nécessite une réaction quasi instantanée. Voici quelques exemples d’actualités chaudes utilisées pour faire du newsjacking récemment :

• La gifle de Will Smith à Chris Rock lors de la dernière cérémonie des oscars
  

• Le dérapage d’Emmanuel Macron qui disait “emmerder” les Français en janvier 2022
  

• La série évènement Squid game en septembre 2021
  

• Éric Zemmour qui fait un doigt d’honneur dans sa voiture à Marseille en novembre 2021 

Vous avez saisi l’idée ! Si vous souhaitez vous inspirer, suivez le travail de l’agence Buzzman pour Burger King. Vous découvrirez de superbes exemples de newsjacking comme le suivant, réalisé en mars 2021 pour réagir au blocage du canal de Suez : 

Constituez votre pool ambassadeurs :

comme nous l’avons vu précédemment, aujourd’hui avec les réseaux sociaux, tout le monde peut devenir prescripteur de marques et de tendances.

Pour favoriser la notoriété de votre entreprise et la diffusion de ses messages auprès de vos publics, commencez rapidement par constituer une liste d’ambassadeurs. Vous pourrez par exemple les trouver parmi vos clients existants. Choisissez les meilleurs, ceux qui adorent votre marque et son univers et offrez-leur un véritable traitement de faveur. C’est ce qu’on appelle un “programme ambassadeur”. Montrez-leur qu’ils sont spéciaux et remerciez-les pour leur engagement à vos côtés. Ils deviendront alors vos plus fervents défenseurs.

Pour agrandir votre liste, vous pouvez aussi mener des recherches de profils sur les réseaux sociaux qui pourraient devenir de nouveaux relais entre vous et vos publics. Vous trouverez de petits profils, des “nano-influenceurs” en dessous de 10 000 followers, qui accepteront probablement de travailler avec vous en échange d’avantages en nature (promotion sur vos produits ; cadeaux ; etc). Mais si vous souhaitez aller plus loin et recruter de véritables égéries avec plusieurs centaines de milliers de followers, il faudra mettre la main au portefeuille.

En construisant correctement votre stratégie d’influence, vous pourrez profiter d’un véritable “effet d’assimilation”, tel qu’il est décrit dans le modèle de transfert de sens de McCracken (1989) :

Les célébrités (vos ambassadeurs) incarnent une signification culturelle. En choisissant de coller votre image à la leur, vous implantez ces significations dans votre marque, créant par la même occasion l’adhésion du consommateur à votre marque, puisqu’elle est mise en avant par la célébrité qu’il adule.

De nombreux exemples de ce type existent. Pensez à Nike et à ses multiples collaborations avec de grands sportifs pour incarner le fameux “Just Do It”, l’excellence et le dépassement de soi. 

Collaborez avec d’autres marques :

Les collaborations entre marques peuvent créer l’évènement et le buzz, profitant alors très largement à la communication et à la notoriété des marques participantes. Pour qu’un partenariat soit réussi, il faut veiller à ce que les publics de chacune des marques en question se rejoignent sur des valeurs ou des intérêts en commun.

H&M s’est par exemple fait une véritable spécialité des collaborations avec des marques de luxe ou des marques de créateurs. Comme avec Iris Apfel, icône de la mode depuis 1950, qui fête ses 100 ans cette année : 

• La marque profite de cette collaboration pour rappeler son ancrage dans l’univers de la mode et du style. 

Affirmez vos valeurs et défendez votre position :

Une majorité d’entreprises ne le font pas et pourtant, c’est la base d’une bonne communication. Généralement, une organisation va se restreindre à dire ce qu’elle fait. Mais rarement pourquoi elle le fait.

Profitez-en pour vous démarquer de votre concurrence et exploiter cette faille. Défendez une vision du monde, des valeurs et des engagements forts dans lesquels vos publics vont pouvoir se reconnaitre, trouver une forme de résonance.

Pour aller plus loin et mieux comprendre l’intérêt du “pourquoi” dans la communication de marque, découvrez cette vidéo de Simon Sinek, consultant et auteur : 

• Impliquez ce principe à votre stratégie de RP en pensant toujours à la congruence : ne dîtes jamais publiquement quelque chose que vous ne faites pas dans la réalité. Rappelez-vous l’exemple de TotalÉnergies.
  

• Devenez un contributeur de qualité pour les journalistes :
  
  Le travail d’un journaliste consiste principalement à sourcer de l’information et du contenu de qualité pour créer des articles ou des dossiers de presse les plus qualitatifs possibles.
  
  Comme vous avez pu le faire en créant une liste d’ambassadeurs, dressez une liste complète de journalistes et de blogueurs qui prennent fréquemment la parole sur des sujets similaires aux vôtres. 
  
  Puis, dès que vous prendrez la parole sur un sujet intéressant, contactez les avec votre meilleur pitch, que ce soit par mail ou sur Twitter. Les journalistes seront toujours friands de nouveaux contenus d’experts, alors à vous de vous affirmer comme tel.
  
  Attention, lorsque vous contactez des journalistes, ce n’est pas pour faire la promotion d’un produit ou d’une offre commerciale, mais bien pour partager une information publique qui aura de l’intérêt pour leurs lecteurs.
  
  Si vous souhaitez des exemples de communiqués de presse, vous pouvez vous rendre sur n’importe quel site web de grande entreprise. Vous y trouverez généralement une section dédiée, comme ici sur le site d’Orange :
  
  https://www.orange.com/fr/newsroom/communiques

Utilisez les attaques pour développer de bonnes relations publics :

Votre entreprise subit une attaque qui devient virale sur les réseaux sociaux ? Et si c’était le bon moment pour prendre la parole ?

En 2018 au Royaume-Uni, après un changement de fournisseur, la célèbre chaîne de fast-food KFC se retrouvait sans poulet. Un comble pour le restaurant dédié exclusivement à la volaille. La nouvelle devient rapidement virale et dépasse les frontières nationales pour se répandre dans le monde entier. KFC ne sachant pas comment réagir à cette crise fait alors appel à l’agence Mother London pour s’adresser à son public avec cette communication : 

“un restaurant de poulet sans poulet. Ce n’est pas le top. Nous présentons nos plus plates excuses à tous nos clients et plus particulièrement à ceux qui se sont déplacés pour nous trouver fermés…”

Simple et efficace. L’enseigne a simplement choisi de jouer la carte de la sincérité et de l’authenticité, une excellente pratique dans ce type de situation. Ne cherchez pas d’excuses lorsqu’il n’y en a pas, assumez !

Cette communication s’est poursuivie sur les réseaux sociaux de l’entreprise où des posts simples incluant des questions posées sur le web et les réseaux sociaux ont trouvé une réponse : 

• La marque en profite également pour rappeler ses engagements et ses valeurs :
  
  “Nous ne ferons jamais de compromis sur la qualité” ; “nous détestons gaspiller. Nous réfléchissons à donner ce poulet à des associations”
  
  Un scandale qui finit bien puisqu’il permet de réaffirmer les valeurs de la marque et son discours auprès de son public !
  

Nous terminerons ce cours par un élément de la plus haute importance pour conserver une parfaite maitrise de vos RP : savoir tenir une veille efficace pour ne plus jamais être pris de court. 

Connaissez-vous la quantité d’informations qui était générée chaque minute sur internet en 2020 ?

Cette infographie a été réalisée par DOMO, compagnie spécialisée dans la data, pour la neuvième édition de son enquête “Data Never Sleeps”. Chaque minute, ce sont plus de 575K tweets qui sont publiés, 44M de vues cumulées pour les lives Facebook ou encore 5,7M de recherches effectuées sur Google. Comment faire pour faire le tri dans toutes ces informations et vous assurer de pouvoir conserver le contrôle de vos relations publics ? Pour déceler les signaux faibles initiateurs de tendances ? Pour se positionner à la source d’un bad buzz avant qu’il soit trop tard ? 

Une seule solution : la veille digitale. 

Trier, collecter et analyser efficacement les informations à propos d’une entreprise depuis la multitude de sources existantes sur Internet est une problématique centrale pour une bonne gestion des relations publics. De nombreuses entreprises l’ont bien compris et en fait leur spécialité : 

• Mention : un outil de veille très puissant qui peut être configuré pour vous alerter dès qu’une mention de votre marque est faite sur le web ou les réseaux sociaux. Vous pouvez également l’utiliser pour suivre vos concurrents et conserver une longueur d’avance dans votre secteur.  
• Talkwalker : avec sa fonctionnalité de social listening superpuissante, cette entreprise vous promet de ne jamais louper aucune conversation au sujet de votre marque. 

Vous pouvez aussi utiliser des outils gratuits, comme Google Alerts, qui vous permettra de rester averti par mail des mentions de votre marque sur le web. 

Grâce à une veille performante, vous serez même en capacité d’identifier les signaux faibles, définis par Igor Ansoof (1970) comme : 

“une information précoce, de faible intensité, pouvant être annonciatrice d’une tendance ou d’un évènement important”

Pendant la crise de la COVID-19 par exemple, l’État était à l’écoute de signaux faibles tels que le début d’augmentation du nombre de prises en charges aux urgences pour prévenir de nouvelles vagues de contamination imminentes. 

Pour les entreprises, être à l’écoute de ces signaux faibles permet de déceler de nouvelles tendances à venir et de se positionner comme précurseurs innovants, plutôt que comme de simples suiveurs. 

Si mettre en place un système de veille efficace permet d’éviter les crises, il ne faut pas pour autant toujours avoir peur de celles-ci. En effet, si elle est bien orchestrée, une crise ou un bad-buzz, peut grandement servir les intérêts d’une marque auprès de son public cible. 

L’exemple de RichMeetBeautiful : un bad buzz avec un équivalent publicitaire à plusieurs centaines de milliers d’euros. 

RichMeetBeautiful en 2017, c’était un site à l’éthique discutable qui promettait à de jeunes personnes séduisantes de rencontrer des personnes plus vieilles et moins séduisantes, mais très riches. Nous ne sommes pas là pour discuter du positionnement stratégique, retenons simplement que cette entreprise avait deux publics cibles : 

• Les personnes riches souhaitant rencontrer une personne séduisante 
• Les personnes séduisantes, probablement en manque de moyens financiers

Le premier public était le public principal de ce site, puisque c’était celui-ci qui devait payer pour s’inscrire. L’inscription était gratuite pour le second. Seulement voilà : sans personnes séduisantes, les personnes riches ne s’inscriraient jamais. Alors le directeur marketing de la société eu une idée pour toucher à moindre frais son public.

Il dépensa quelques milliers d’euros pour faire imprimer un visuel provocateur qu’il disposa sur un véhicule de location stationné en face des universités et des grandes écoles de Paris :

la réaction ne se fit pas attendre. Le maire de la ville s’empressa de tweeter cette photo qu’il qualifiait de “publicité honteuse”. Les associations relayèrent l’information en dénonçant de la “prostitution déguisée”. Les médias s’emparèrent également de l’information et la relayèrent massivement sur tous leurs canaux de communication. 

Bad buzz ? Oui, mais est-ce que les publics offusqués sont les publics visés par la marque ? Pas vraiment. 

Le site a donc pu profiter d’une couverture médiatique et d’une viralité folle durant quelques semaines, lui permettant d’être découvert facilement par ses publics cibles et économisant probablement des centaines de milliers d’euros en paid médias. Aujourd’hui, d’après Similarweb, le site affiche plus de 15k visites mensuelles et génère entre 1 et 5M$ de revenu annuel. 

Moralité de l’histoire : n’ayez pas peur du bad buzz s’il peut servir vos relations publics et gardez toujours en tête que le clivage est une source exceptionnelle de viralité

Les relations publics, c’est avant tout une histoire de confiance, de sincérité et d’authenticité. Avec la multiplication des canaux de communication, des devices, et le phénomène de prise de pouvoir des consommateurs, les marques ne peuvent plus tromper personne. 

Une double position est donc nécessaire : 

1. Communiquer : le fameux “faire savoir”. Pour tenir ses différents publics informés de la vie de l’entreprise, pour rappeler ses valeurs et pour exister dans un monde complexe et extrêmement concurrentiel.  
2. Veiller : collecter, trier et analyser le flux constant d’informations sur le web et les réseaux sociaux, pour prévenir des potentielles crises et pour réussir à se positionner comme un précurseur des tendances. 

Les relations publics se sont complexifiées avec les avancées technologiques et continueront d’évoluer à leur gré. Mais cette complexité s’accompagne également de nouveaux superpouvoirs pour le communicant, qui peut compter sur de nouveaux outils de veille puissants ou sur la force des réseaux sociaux pour déployer ses messages et toucher plus rapidement ses différents publics avec les nouveaux relais d’opinions que sont les influenceurs et les créateurs de contenu. 

Il n’existe aucune méthode parfaite pour réaliser une stratégie de relations publics idéale. Toutes les approches se valent du moment qu’elles sont cohérentes avec vos objectifs et apportent des résultats quantifiables. Alors soyez à l’écoute et faites parler votre créativité pour faire rayonner votre future entreprise le plus largement possible ! 

Et bon buzz à tous !