A. Les RP : de quoi parle-t-on exactement ?

Déjà dans l’antiquité, Platon profèrerait sur la place publique que les sophistes manipulaient l’opinion pour arriver à leurs fins, n’hésitant pas à les provoquer en octogone verbal dans l’Agora. En France, la Manufacture Française d’armes et de Cycles créée en 1887, plus connue sous le nom de Manufrance, utilisait ce célèbre slogan : 

Bien faire et le faire savoir” 

Qui pouvait déjà représenter ce que deviendraient les relations publics quelques années plus tard.  

Comme nous le verrons tout au long ce cours, cette notion se démarque fondamentalement des pratiques publicitaires du marketing et peut même sortir du contrôle des entreprises. Cette caractéristique rend la mise en place et le suivi d’une stratégie de relations publics efficace particulièrement essentielle pour les organisations. 

Après la découverte de l’histoire de cette matière, nous nous intéresserons à ses différentes fonctions, pour les entreprises comme pour les autres composantes d’une société, comme l’État et les citoyens. Vous comprendrez mieux le poids de “l’opinion publique” dans un débat. 

Ensuite, nous découvrirons quels cadres organisationnels englobent les relations publics en nous demandant si toute communication peut en être sujet. Puis, nous remettrons en question la notion de “public” et verrons qu’une certaine forme d’opacité peut exister dans l’influence publique et le contrôle du pouvoir, notamment par l’exercice du lobbying. Nous découvrirons également un exemple de communication de crise datant de 2018. Petit spoil : ça parle d’une marque célèbre qui a publié une photo d’un enfant noir portant un sweat avec les mots “coolest monkey in the jungle”. 

Pour terminer, nous verrons comment le numérique a modifié en profondeur cette matière. Vous découvrirez des techniques efficaces en 2022 pour développer et entretenir les relations publics d’une entreprise. Enfin, nous aborderons le sujet de la veille, pour éviter les crises, ou bien pour mieux suivre celles que vous aurez sciemment provoquées afin de générer un bad buzz contrôlé…

Bon cours !

Oncle Sam a (encore) tout inventé

Les relations publics sont définies par l’IPRA (International Public Relations Association) comme : 

“Les relations publics sont une fonction de direction de caractère permanent et organisé, par laquelle une entreprise ou un organisme public ou privé cherche à obtenir et maintenir la compréhension, la sympathie et le concours de ceux à qui elle a ou peut avoir à faire. Elles sont un processus stratégique de communication qui construit des relations mutuellement bénéficiaires entre les organisations et leurs publics.” 

Et même si vouloir se faire comprendre et bien se faire voir peut sembler faire partie de notre nature intrinsèque, c’est bien au début du XXᵉ siècle que la matière telle que nous la connaissons aujourd’hui émerge, de l’autre côté de l’Atlantique. 

Si je vous disais que Sigmund Freud était le père de la communication et du marketing moderne ? 

En effet, le célèbre psychanalyste a fortement influencé les idées de l’un des deux pères fondateurs des relations publics, Edward Bernays. Il a été le premier à exprimer l’idée que la publicité ne suffisait pas pour vendre un produit, mais qu’il fallait le transformer en véritable mode pour le rendre le plus désirable possible auprès du grand public. 

C’est d’ailleurs en travaillant sur l’épineux problème de la vente de cigarettes aux femmes pour la marque Lucky Strike en 1929 qu’Edward eut une idée révolutionnaire. À l’époque, la seule véritable façon de mettre en avant un produit s’apparentait à ce que nous pourrions aujourd’hui appeler du “marketing factuel”. Pour faire simple, pour vendre, on mettait en avant les caractéristiques objectives d’un produit. Pour les cigarettes, cela pouvait donner : du tabac de qualité, séché sous le soleil. 

Et à l’époque, cela suffisait pour conquérir une immense majorité du marché. Le taux de pénétration des cigarettes dans la population atteignait presque les 100 %, mais uniquement chez les hommes. Les femmes représentaient une part de marché importante à conquérir pour le développement de l’industrie, mais quasiment intouchable. Fumer ne rentrait pas dans leurs habitudes de consommation qui étaient à l’époque presque intégralement dictées par leurs maris ou leurs pères. C’était même un véritable tabou. 

Alors Edward s’est souvenu des travaux de son oncle et s’est dit : “Et s’il était possible d’influencer durablement les foules à travers leurs valeurs et leurs rêves ?” 

Et paf, ça donne cette célèbre photographie : 

 

Ça n’a l’air de rien, mais vous voyez ici la première campagne de communication RP de l’histoire. Cette scène, intégralement orchestrée par Edward, montre des militantes féministes défilant à l’occasion de l’Easter Parade de 1929 sur la cinquième avenue de New-York, bravant l’interdiction des femmes de fumer dans les lieux publics. 

Lorsque les journalistes les interrogèrent sur leur acte, elles répétèrent le discours d’Edward et affirmèrent haut et fort qu’elles ne fumaient pas, mais qu’elles arboraient les torches de la liberté ! 

C’est grâce à ce gros coup de presse et à Freud, en quelque sorte, que l’industrie du tabac réussie en quelques mois à peine à lever le tabou de la cigarette pour les femmes. Fumer était devenu un acte féministe militant, un symbole de liberté. 

Là, vous vous dîtes : RP = influence + manipulation des foules. Avec notre exemple, vous pourriez avoir raison. Mais ce serait trop simple. 

À quoi ça sert au juste ?

La seconde figure fondatrice de cette spécialité se nomme Ivy Lee. Cet ancien journaliste fonde au début du siècle dernier la première agence de relations publics. Il accompagna par exemple le célèbre magnat du pétrole John D. Rockfeller Jr. lorsque celui-ci se retrouva sous les critiques de l’opinion publique en 1914, lorsque ses agents de sécurité tuèrent plusieurs dizaines de personnes pour tenter de stopper une grève. Vous pouvez imaginer la tempête médiatique qui s’abattue alors sur l’homme. Les journaux qualifièrent cet épisode de véritable massacre et exigèrent une prise de parole de Rockfeller Jr., qui refusa catégoriquement. Mais c’était sans compter sur l’aide d’Ivy, qui l’accompagna dans la création d’une stratégie de relations publics complète pour le sortir de ce mauvais pas : Rockfeller accepta de rencontrer les mineurs, ce qui entraina une meilleure image de lui dans la presse. Petit à petit, l’opinion publique lui redevint favorable, résultat d’un travail de longue haleine visant à mettre en avant l’impact économique positif du grand patron sur le pays. Il passa même au rang de véritable bienfaiteur adulé par les foules lorsqu’il annonça la création d’une fondation scientifique dédiée à la recherche caritative.

Voilà comment une bonne gestion de la communication et des relations publics peut transformer un infâme patron tueur de grévistes en un généreux bienfaiteur au service de son pays. 

Ivy Lee est également à l’origine de la déclaration de principes envoyée au New-York Times en 1906, encadrant aujourd’hui encore le travail des professionnels des relations publics : 

“This is not a secret press bureau. All our work is done in the open. We aim to supply news. This is not an advertising agency. If you think any of our matter ought properly to go to your business office, do not use it. Our matter is accurate. Further details on any subject treated will be supplied promptly, and any editor will be assisted most carefully in verifying directly any statement of fact. … In brief, our plan is frankly, and openly, on behalf of business concerns and public institutions, to supply the press and public of the United States prompt and accurate information concerning subjects which it is of value and interest to the public to know about.”

Ce texte était une réponse aux accusations de certains journalistes d’utiliser de façon détournée la presse pour réaliser de la publicité. 

Mais comme vous l’aurez compris, les relations publics ne sont pas de la publicité. Lorsque vous réalisez une opération publicitaire, vous devez payer pour que votre message soit diffusé. Alors que vos communications RP, qui communiquent une information et engage la discussion avec votre public ne sont pas payantes.

Rappel : il existe trois catégories de médias qu’une organisation peut utiliser pour diffuser ses messages : 

  • Paid médias : il faut payer pour toucher la cible. C’est le cas d’espaces publicitaires par exemple.
  • Owned médias : ce sont les canaux de communication possédés et gérés par l’organisation, comme son site web ou ses profils sur les réseaux sociaux.
  • Earned médias : ce sont les communications acquises par le développement de la communication de l’organisation. Par exemple les articles de presses obtenus suite à la diffusion d’un communiqué de presse, ou encore le user generated content publié sur les réseaux sociaux des clients ou consommateurs. 

Retenez bien ces différences pour comprendre pleinement les différences qui opposent publicité et relations publics.

Les relations publics servent donc à informer les publics d’une organisation, internes et externes, de ce qu’il se passe dans celle-ci, qu’elle soit privée ou publique, par le biais de différents médias, dans l’objectif de créer et d’entretenir une relation de confiance. En interne, une bonne gestion des relations permet de faire adhérer les membres d’une organisation à sa mission en créant un esprit d’unité. En externe, cela permet de générer de la sympathie et un engouement positif autour de l’organisation.

En bref : les RP, c’est toute la communication mise en place pour avoir bonne presse !

Qui sont les différents relais d’opinion ?

Afin d’agir efficacement sur l’opinion, une bonne stratégie de relations publics se doit d’identifier les relais d’opinion adaptés pour transmettre le mieux possible ses messages. Si à une certaine époque, rédiger des communiqués de presse pour diffuser ses messages auprès de journalistes pouvait suffire, ce n’est plus tout à fait le cas aujourd’hui, même s’ils restent un relai d’opinion essentiel. 

Grâce au développement des réseaux sociaux, n’importe qui peut s’avérer être un bon relai d’opinion. Selon l’information à diffuser, vous pouvez solliciter différents types d’influenceurs présents sur les réseaux sociaux. Ils sont généralement classés par taille de communauté : 

  • Les nano-influenceurs : possèdent entre 500 et 10 000 followers. Ils sont généralement très attachés aux valeurs qu’ils défendent et se démarquent par leur authenticité. Ils créent du contenu et communiquent par passion. Vous pouvez les solliciter presque gratuitement si votre projet les intéresse. Ce sont des relais d’opinion de proximité facilement activables.  
  • Les micro-influenceurs : possèdent entre 10 000 et 50 000 followers. Ils ne vivent pas totalement de leur activité et restent accessibles en termes de budget. Ils sont encore assez spécialisés pour permettre de diffuser un message à un public bien précis.  
  • Les macro-influenceurs : on commence à rentrer dans du lourd. De 50 000 à 1 million de followers, ces profils peuvent permettre à votre message d’être rapidement diffusé auprès d’un grand nombre de personnes. Néanmoins, comme ils communiquent souvent avec de nombreuses marques, votre communication risque de perdre en authenticité. 

Au-dessus de 1 million de followers, on parle de Key Opinion Leaders (KOL) ou de célébrités. Ce sont des personnes capables d’influencer une très grande partie de la population. Il faut donc être particulièrement vigilant aux relations entretenues avec ces personnalités, qui peuvent rapidement détruire une réputation. 

Petite histoire drôle : en 2014 pour promouvoir la sortie de leur nouveau smartphone, Samsung décida de nouer un partenariat avec Lebron James. Malheureusement pour la marque, ce dernier expérimenta rapidement des problèmes avec ce nouveau produit et décida de le partager à sa communauté forte de plus de 12 millions de followers sur Twitter. Un véritable raté pour la marque, qui entraina une évidente chute des ventes.

 

 

Retenez qu’un relai d’opinion est un individu qui, du fait de sa notoriété, de son expertise ou de son charisme, exerce une influence sur un grand nombre d’autres individus (Aïm, Billet). Cela signifie qu’en tant que communiquant et en fonction de votre organisation, il vous incombera d’identifier les bons relais d’opinion en les référençant, avant de créer puis d’entretenir les meilleures relations possibles avec ces derniers.

 

Vos relais d’opinions peuvent donc être des sportifs, des comédiens, des journalistes, des blogueurs, des cuisiniers, des artistes… Bref, un peu tout le monde, tant qu’ils permettent d’incarner votre organisation et de diffuser une information de manière efficace auprès du public ciblé.