A. Des premiers âges de la communication aux outils modernes

La communication est intrinsèque à l’humanité. C’est elle qui, au tout début de notre civilisation, permet d’alerter notre tribu d’un danger, en criant ou en agitant les bras. C’est elle également qui nous permet de reconnaître notre communauté à travers ses rituels, ses vêtements, ses codes. Plus tard, sa langue, ses marqueurs sociaux, ses signaux tacites.
Mais si nous parlons de communication, il faut alors remonter à l’étymologie, et à ce qui en fait une discipline à part entière : les outils de communication.

Car qui dit communication dit intrinsèquement « moyens de communication ». Communiquer ne peut se faire sans média.

Les méthodes de questionnement

Etymologie : communication, comme communion, vient du latin communicare, « mettre ou avoir en commun ». La communication signifie donc un partage, un échange. Communique-t-on seul ? Non. Nous pouvons éventuellement envisager les messages que nous nous adressons à nous-mêmes comme des communications particulières, certes, mais c’est à la communication dans l’espace social que nous nous intéressons aujourd’hui. Pour communiquer, il faut donc être au moins deux. Un émetteur, et un récepteur, le premier envoyant un message au second.

La communication date-t-elle de la Rome antique ? A-t-il fallu que la langue latine crée le mot communicare pour que la communication existe ? Non, bien entendu, nous l’avons vu, nous communiquons depuis la nuit des temps. Mais la naissance du mot formalise le concept, et lui donne un périmètre, un cadre.

On parle aujourd’hui de communication essentiellement lorsque des outils sont utilisés pour échanger un message.

Nous n’allons donc pas nous intéresser à la voix ni aux gestes, mais aux ustensiles, aux plateformes d’échange, bref, aux moyens de communication et à leur évolution dans le temps. Commençons par le commencement : le livre. Avec l’invention de l’écriture vers 3300 avant JC se développe le support sur lequel le texte est transmis : rouleaux de papyrus (volumen), puis feuilles pliées pour faciliter la lecture, le codex, inventé entre le IV et le IIème siècle après JC. Aujourd’hui, les algorithmes de Google Books estiment à 130 millions le nombre de textes publiés sous le format de livre et accessibles (l’algorithme ne compte pas les livres disparus, détruits ou à l’inverse dédoublés). En parallèle de ce moyen historique de transmettre de l’information et du savoir, d’autres moyens de communication se sont forgés.

En Afrique ancestrale, par exemple, berceau des civilisations, les messages passaient par des tambours, des percussions, qui non seulement alertaient les membres d’un village d’un danger ou d’un événement, mais également célébraient des festivités ou des moments de vie particuliers. Rythme, durée, intensité… le message n’est pas toujours le même et l’outil s’adapte au besoin. En Chine, ce sont les signaux de fumée qui servent à s’envoyer des messages. Codés, complexes à manipuler, ils sont visibles depuis de longues distance, et assez immédiats à recevoir. Dans un autre territoire majeur de l’évolution, l’Egypte, c’est à travers les premiers échanges de courriers que la communication se développe.

 

On est alors à une période où l’écrit, en complément du son, s’impose comme outil. Si Champollion n’avait pas su décrypter les hiéroglyphes de l’obélisque de la Concorde, peut-être croirions-nous encore qu’il s’agit des premiers SMS. « Chéri, n’oublie pas le pain en sortant du métro » (non : les hiéroglyphes sont en fait des hommages célébrant le souvenir de Ramsès II).

Le courrier se répand à travers le monde comme un sûr moyen d’échanger des informations, de les garder discrètes (contrairement au son des percussions que tout le monde peut entendre, une lettre sous cachet s’adresse à son seul destinataire), d’être conservées, dupliquées, partagées. Le courrier devient fiable et répond ainsi à de nombreux besoins. Il génère alors une organisation qui fluidifie et accélère ce moyen de communication. C’est la naissance du premier service postal, en Perse, au cinquième siècle après JC. Le coureur de Marathon devient en quelques sortes le premier postier. De son côté, Louis XI créera la Poste Royale en 1464. En Egypte encore, les pigeons voyageur du sultan Nur Ad-Din font office de premier service postal aérien. Cette méthode durera très longtemps puisqu’on la retrouve, fiable et insaisissable, pendant la seconde guerre mondiale durant laquelle 250 000 pigeons furent dressés par le Royaume Uni pour communiquer des informations.

A Rome, on favorise la transmission d’information par la presse, et l’Acta Diurna (Actualité du Jour) est frappée sur du métal et de la presse. On y trouve les décisions du Sénat (qui n’étaient jusque là pas rendues publiques) et un résumé de la vie des notables romains. Ce moyen de communication nécessite de savoir lire, et écrire. Il est accessible à tous et permet surtout de transmettre des messages plus complexes, plus détaillés, plus riches. Ils peuvent également être stockés et partagés. Ils ne tiennent pas dans la poche mais on est déjà dans une démarche d’accès à l’information à destination du plus grand nombre et de façon démocratique.

Le développement des moyens de communication technologiques

Le télégraphe de Samuel Morse apparaît autour de 1840, et les distances se réduisent alors considérablement : un message codés (le morse) peut être transmis
automatiquement et immédiatement à travers des centaines de kilomètres par ce système de câbles génial. Le Morse est encore utilisé, notamment par les sous marins en surface, pour communiquer non plus par des sons mais par des lumières brèves ou longues.

L’héritage du télégraphe et son développement logique, c’est le téléphone. Une guerre d’historien oppose Graham Bell, l’inventeur officiel du téléphone, à Elisha Gray. Reste que le premier appel téléphonique date du 10 mars 1876, depuis le bureau de Bell à celui de son assistant Watson dans la pièce adjacente. Quatre mois plus tard, le premier appel longue distance est effectué avec succès, sur plus de cent kilomètres. A l’époque, le message ne pouvait se faire qu’à sens unique : seule l’émetteur parle, le récepteur ne peut qu’écouter. Il faut attendre (peu) le 9 octobre 1876 pour qu’ait lieu la première conversation réciproque officielle.

Le premier appel depuis un téléphone mobile date de 1946, à une époque où seuls trois appels simultanés pouvaient être passés depuis une même ville. Aujourd’hui, plus de 30 000 appels sont passés chaque seconde aux Etats-Unis. Les besoins et usages s’accélèrent : le premier email, de Roy Tomlinson, ingénieur pour Arpanet (nous reparlerons bientôt de ce réseau), est envoyé en octobre 1971 entre deux ordinateurs situés à un mètre de distance l’un de l’autre. Pour l’anecdote, si l’on a conservé une trace du premier appel téléphonique et des actualités romaines sous Jules César, Roy Tomlinson ne se souvient plus de ce que contenait ce mail, perdu dans les oubliettes digitales de l’Histoire. Aujourd’hui, plus de 300 milliards de mails sont envoyés par jour dans le monde, dont entre 55 et 95% de spam… Quand la publicité envahit les outils de communication.

Le 3 décembre 1992, Neil Papworth, ingénieur chez Vodafone, envoie le premier SMS de l’histoire à son collègue pour lui souhaiter un joyeux Noël. Fin 2021, ce SMS a été vendu plus de 132 000 € en NFT. Aujourd’hui, 200 000 SMS sont envoyés chaque seconde dans le monde, une progression impensable au début de cette invention qui durant sept années, a été réservée aux seuls professionnels. 1974 voit l’arrivée de la télécopie : des documents scannés peuvent ainsi être transmis à travers le monde pour être imprimés à leur arrivée sur le poste récepteur… juste avant l’invention des réseaux informatiques par l’armée américaine (Arpanet en tête) : ce sont les fondations d’Internet qui sont alors posées.

Le 4 Février 2004 Mark Zuckerberg, dont vous avez peut-être déjà entendu parler, ouvre le site The Facebook destinés à ses copains de Harvard. Initialement associé à un comparateur d’images (un site qualifié de « hot or not », présentant deux photos d’étudiantes et permettant aux amis de Zuckerberg de voter pour la plus jolie… on est loin de la noblesse des pigeons voyageurs qui ont contribué à la victoire des Alliés pendant la Seconde Guerre Mondiale), le site est rapidement devenu un « Year book » (un trombinoscope) facilitant la mise en contact des étudiants pour garder le lien une fois lancés dans la vie professionnelle.

Aujourd’hui, Facebook compte près de 3 milliards de connexions uniques mensuelles (les MAU, Monthly Active Users) dans le monde, 40 millions rien qu’en France, et 2 milliards de MAU quotidiens. Puis vinrent Twitter, Instagram, Snapchat, Discord, Mastodon, TikTok, WhatsApp, Messenger, Pinterest, Youtube, etc. Notons pour la petite histoire que LinkedIn est plus vieux que Facebook d’un an (2003), suivi de près par MySpace. Mais aucun de ces outils de communication modernes n’auraient pu voir le jour sans l’invention en 1943 du premier calculateur électronique, ancêtre de l’informatique ! Cette histoire est émaillée d’inventions temporaires, de tentatives qui, si elles n’ont laissé de trace que dans les livres d’histoire, ont contribué à faire avancer les outils de communication avec leur objectif remarquable : faciliter la compréhension entre les Hommes (et les Femmes, cela va de soi).

Par exemple, l’ingénieux système d’alphabet de Claude Chappe, qui permet, à partir d’un simple bras articulé, de symboliser toutes les lettres de l’alphabet, ainsi que les chiffres du système décimal. On n’oubliera pas non plus cet outil de communication massif qu’est la télévision : si en 1848 les premières théories sur la transmission d’images sont posées, elles ne seront concrétisées qu’en 1887 par Heinrich Hertz à partir de la transmission d’ondes électromagnétiques (d’où le nom d’ondes hertziennes, il est important de savoir aussi communiquer sur son nom pour rester dans l’histoire).

En 1897, Karl Ferdinand Braun crée le premier tube cathodique et généralise leur emploi pendant de longues années. En 1935, en France, apparaissent les premières émissions télévisées sur des écrans de 180 lignes et en Noir et Blanc. La couleur arrive dans les foyers français en 1967. Notons que la première émission transatlantique a eu lieu en 1962, permettant la diffusion d’une émission américaine en Mondovision sur les postes français via l’antenne de PleumeurBodou, en Bretagne.

La transmission par ondes est aussi à l’origine de la radio : Marconi crée en 1896 la première liaison TSF. EN 1930 la BBC lance les premières émissions de radio régulières.

Internet

Réseau des réseaux, internet s’est imposé depuis longtemps comme la pierre angulaire de la communication moderne. Quelques chiffres :

– 5,3 milliards d’internautes dans le monde en 2021, soit 60% de la population mondiale. La progression s’est fortement accentuée entre 2020 et 2021, en pleine crise du Covid et son lot de confinements. En effet : les populations qui n’accèdent pas encore à internet se sont massivement connectées pour pouvoir maintenir le lien social avec leurs amis et communautés isolés à domicile, ainsi que pour commander des produits qu’ils auraient habituellement achetés en magasins « physiques ». On pouvait compter fin 2020 plus de dix nouveaux utilisateurs d’internet par seconde…

– Les 5 pays les plus connectés au monde, en termes de pourcentage de la population ayant accès à internet :

  1. Danemark 99%
  2. Emirats Arabes Unis 99%
  3. Royaume-Uni 98%
  4. Corée du Sud 97%
  5. Suède 97%

L’Europe, étonnamment, est plus connectée que les Etats Unis.

– Concernant les réseaux sociaux, 55% de la population planétaire s’y connecte au moins une fois par mois, soit une progression de +14% sur la seule année 2020. Cela peut se traduire autrement : 1,4 millions de personnes qui étaient absentes des réseaux sociaux ont créé un compte sur au moins une plateforme chaque jour en 2020…

– Aujourd’hui, Facebook recense près de 3 milliards de connexions mensuelles (MAU, Monthly Active Users) dans le monde, soit +4% par rapport à 2021, et 2 milliards par jour (DAU, Daily Active Users)… et on continue à croire que le réseau est fini.

– le mobile est aujourd’hui, et de loin le premier support d’accès à la Toile avec une part de 93%, à la faveur de la généralisation des réseaux 4G dans le monde.

– Enfin, le temps passé sur Internet atteint désormais presque 7 heures par jour… dont 3 heures sur les sites de streaming, 2h22 sur les réseaux sociaux et presque 2 heures sur les sites d’information.

Un peu d’histoire du web…

Dans les années 60, un ingénieur américain, J. C. R. Licklider, émet l’idée de connecter entre eux des ordinateurs de différents réseaux. Il est à l’époque tout à fait possible de relier des ordinateurs ensemble dans un même réseau, par exemple les ordinateurs d’une école ou d’une université, les ordinateurs d’une entreprise, ou encore les ordinateurs d’une collectivité locale. Mais Licklider voit plus loin et propose de créer un tissage des réseaux de telle sorte à les relier entre eux. Ainsi, les informations stockées sur les ordinateurs d’un même réseau fermé seraient accessibles à d’autres ordinateurs venant d’autres réseaux, et réciproquement. Le potentiel en termes de circulation de l’information et de diffusion du savoir est gigantesque. On parle alors de réseau des réseaux : la toile commence à se dessiner dans la tête de l’ingénieur, qui s’appuie alors sur les ordinateurs de l’ARPA (Defense Advanced Research Project Agency, le D ayant été gommé dans l’acronyme), qui donnera en 1967 l’ARPANET, l’ancêtre d’Internet.

L’histoire d’internet s’accélère quand des équipes franco-britanniques du CERN (Conseil Européen pour la Recherche Nucléaire) crée des protocoles d’échanges de ces informations, c’est la naissance du World Wide Web (www). L’ingénieur à la manœuvre s’appelle Tim Berners-Lee : le 13 mars 1898 il présente à son directeur un projet visant à permettre l’ouverture de documents stockés sur des serveurs grâce à un simple lien hypertexte situé dans un document. Sa note s’intitule « Gestion de l’information : une proposition ». Il bénéficie d’une bourse de travail, ce qui lui permet d’aboutir à la création du World Wide Web.

Pour l’anecdote, le directeur de Tim Berners-Lee avait considéré le projet comme « vague mais prometteur ». La création du World Wide Web, en 1990, n’est pas à créditer entièrement à Tim Berners-Lee : c’est avec son principal collaborateur, le belge Robert Cailliau, et leurs équipes du CERN qu’ils développent un tissage
d’informations accessibles par lien hypertexte, selon les protocoles inventés plus tôt notamment par Vinton « Vint » Cerf, ingénieur américain à l’origine du TCP/IP. Cailliau, Berners-Lee et leurs équipes développent ensuite les concepts d’URL (Uniform Resource Locator, ou « adresse » d’un site web), de HTML (HyperText Markup Language, le code utilisé pour créer des sites web à partir de balises (markups) permettant au navigateur internet d’appliquer des effets ou des actions aux éléments du code, comme par exemple de rendre un texte ou une image cliquable pour accéder à un contenu supplémentaire), ou encore de HTTP (HyperText Transfer Protocol, le protocole informatique permettant d’afficher sur un ordinateur un contenu stocker sur un serveur extérieur).

Le contenu étant affiché sur une fenêtre dédiée à ce type d’information, ils créent également le premier navigateur internet qui s’appelait… World Wide Web ! Pour l’anecdote, le WWW sera utilisé pour la première fois sur un ordinateur de la marque NeXT, une entreprise informatique fondée par un certain Steve Jobs (si jamais Apple vous dit quelque chose).

L’objectif de ces pères fondateurs est un point fondamental dans ce qu’est ensuite devenu Internet, et crucial pour mieux comprendre les débats qui secouent la Toile aujourd’hui encore (par exemple, la prise de position d’Elon Musk, le fondateur et patron de Tesla, par rapport à Twitter et à la liberté totale de parole sur le réseau de l’oiseau bleu) : pour eux, l’information, le savoir, la connaissance, la culture doivent être diffusés à un maximum de personnes de façon universelle et gratuite. Tim Berners-Lee et ses collaborateurs travaillent au sein du CERN mais dans des laboratoires répartis à travers toute l’Europe, et les connaissances, études, expériences, analyses produites par chaque pôle doit être accessible immédiatement par l’ensemble de tous les autres pôles pour que les missions du CERN soient plus efficaces.

Mais Berners-Lee extrapole : pour lui, la base du web, c’est sa vocation universaliste, et pas uniquement d’un point de vue
scientifique. Tout le monde doit avoir accès facilement et gratuitement aux informations du monde entier pour que ce monde devienne meilleur. Les équipes du CERN décident donc de rendre toutes leurs inventions publiques dès 1993.

Dès lors, Internet explose :

– 20 décembre 1990 : le premier site Web, info.cern.ch
– 30 avril 1993 : la technologie du WWW tombe dans le domaine public
– Janvier 1994 : création de Yahoo, pour trier les sites web dont le nombre croit à une vitesse exponentielle depuis l’ouverture au public
– Juillet 1995 : création d’Amazon. Ca y est, le e-commerce pose ses jalons20.
– 16 août 1995 : création d’Internet Explorer par Microsoft
– 1998 : création de Google
– 15 janvier 2001 : création de Wikipédia
– 4 février 2004 : lancement de Facebook (The Facebook, selon la dénomination de l’époque)
– 2004 également : émergence du Web 2.0, qui voit les internautes non plus seulement consommer des contenus, mais prendre la main sur les échanges avec les marques présentes sur internet
– 2005 : arrivée de YouTube
– 2008 : création de l’iPhone et des applis mobiles
– 2014 : le milliard de sites web est atteint… et dépassé
– 2021 : plus de 4,5 milliards de pages « publiques » sont accessibles sur Internet.

Ajoutons une date très importante, qui assoit l’état d’esprit du Web, rappelle sa mission, scelle son ADN : le 8 février 1996, John Perry Barlow rédige et envoie à ses amis la Déclaration d’Indépendance de Cyberespace, dans laquelle il pose que le Web n’appartient à aucun gouvernement, n’est régi par aucune loi supérieure. Le document fait le tour de la planète en quelques heures.

Il pèse encore aujourd’hui dans la façon dont nous communiquons sur Internet, sans le savoir, et dans ce que nous cherchons sur la toile : un espace dans lequel tout est encore possible, comme nulle part ailleurs.